Une responsabilité de la région, plus particulièrement vis-à-vis des oiseaux et de la flore

De nombreux sites d’importance pour le maintien des populations d’oiseaux

La Champagne humide, constituée d’une multitude de plans d’eau, généralement calmes et avec des ressources alimentaires abondantes, fait partie des sites français d’importance internationale pour les oiseaux migrateurs (nichant en Europe du nord et/ou de l’est et hivernant plus au sud, ou hivernant en région), comme pour les espèces permanentes patrimoniales inféodées à ces milieux. Les effectifs d’oiseaux sur le site dépassent en effet annuellement 50 000 individus pour une cinquantaine d’espèces (dont le Blongios nain, le Butor étoilé et le Courlis cendré – « vulnérables » à l’échelle métropolitaine ; la Bécassine des marais et le Râle des genêts - en « danger » à l’échelle métropolitaine et mondiale), et jusqu’à 200 000 Grues cendrées lors des périodes de migration – en « danger critique » à l’échelle nationale.

A l’échelle de la Champagne-Ardenne, le massif Ardennais constitue également un site majeur. L’importance de sa surface forestière et son climat particulier ont permis l’implantation d’une avifaune spécifique et patrimoniale à affinité montagnarde (Gélinotte des bois, Tétras lyre, Chouette de Tengmalm …), mais néanmoins inscrites sur laliste rouge régionale. C’est aussi le principal site de nidification de la Cigogne noire (en « danger » à l’échelle nationale).

L’indice d’abondance des oiseaux communs spécialistes 1 montre en Champagne-Ardenne une augmentation des effectifs d’oiseaux inféodés aux milieux forestiers (+12,3%), et une stabilisation des effectifs inféodés aux milieux agricoles, alors qu’ils tendent à diminuer à l’échelle nationale (respectivement -8 % et -32 %).

En Champagne-Ardenne, un indice spécifique a été établi pour suivre les effectifs d’oiseaux communs spécialistes des milieux bocagers. Celui-ci montre une stabilisation des effectifs, à nuancer néanmoins par la dégradation drastique du milieu bocager dans les années 90, entraînant la raréfaction de nombreuses espèces spécialistes de ce milieu, à présent trop rares ou plus assez communes pour être prises en compte dans ces indicateurs (Pie-grièche écorcheur, Pie-grièche grise, Tarier des prés, etc).

Les espèces spécialistes du bâti sont celles dans un état le plus critique (-22,6%) en Champagne-Ardenne, dans les mêmes proportions qu’à l’échelle nationale.

Les espèces généralistes, que l’on trouve dans tous les milieux, présentent également des effectifs en nette hausse ces dix dernières années (+14%). Cette tendance illustre un phénomène d’homogénéisation des cortèges d’espèces au détriment d’espèces plus spécialistes, toutefois moins prononcé en région qu’à l’échelle nationale (+24%).

Une régression très importante de la diversité et des effectifs de petits mammifères, plus particulièrement des chiroptères

La couverture forestière régionale est favorable à la présence de nombreux petits mammifères, dont les effectifs ont toutefois considérablement régressé en lien avec la simplification des massifs forestiers. Certaines espèces sont désormais « sous surveillance » (Chat sauvage, Genette rare, Blaireau, Martre, Hermine, Belette…), « vulnérables » (Crossopes, Putois), d’autres « en danger à l’échelle nationale et mondiale » comme la Loutre et le Castor). Ce dernier, après avoir disparu de la région, se réimplante progressivement suite à des réintroductions dans le secteur du Der et dans les Ardennes (vallée de la Meuse et ses affluents).

Les populations et la diversité des espèces de chauves-souris (chiroptères) ont également particulièrement régressé, en Champagne-Ardenne comme à l’échelle nationale et mondiale, et sont particulièrement menacées (Grand Murin, Grand rhinolophe, Petit rhinolophe, Vespertilion à oreilles échancrées), certaines colonies ayant entièrement disparu en région (à l’exemple d’une colonie de Grand murin dans l’Aube estimée à environ 3 000 individus dans les années 60). Au-delà de leur intérêt patrimonial, la disparition de ces insectivores est particulièrement préoccupante car elle hypothèque les potentialités de lutte biologique et déstabilise les équilibres écologiques. Leur régression est liée à un cumul de facteurs défavorables : régression des bocages au profit des zones de grandes cultures qui réduit les zones de chasse et entrave leur capacité de déplacements (les chauves-souris utilisent les linéaires pour se guider), diminution des ressources alimentaires liée à la régression des milieux prairiaux, utilisation massive de pesticides et destruction intentionnelle (crainte, superstition) malgré leur statut d’espèces protégées. De simples dérangements peuvent aussi avoir des conséquences très néfastes pour les colonies. Cette situation de vulnérabilité est aggravée par la très faible fécondité des chiroptères.

Dérangement des chauves-souris :
Dans les sites d’hibernation, les réveils répétés induisent une surmortalité car les animaux consomment trop vite leurs réserves de graisses et ne peuvent passer la mauvaise saison. Dans les gîtes d’élevage de juvéniles, les effarouchements peuvent entraîner la chute au sol des jeunes qui ne pourront survivre.

Une richesse et une diversité de libellules importantes, mais menacées par les atteintes portées aux milieux humides et aquatiques

Les libellules sont observées dans les annexes hydrauliques de cours d’eau, mais également au niveau de petits canaux, fossés, résurgences, marais, rus et prairies bocagères. L’asséchement des grandes tourbières de la Champagne crayeuse, le drainage et la mise en culture des prairies inondables des vallées alluviales, ainsi que l’intensification de la production aquacole et l’utilisation de pesticides affectent de nombreuses espèces. En outre, la rectification des cours d’eau et des berges entraîne la destruction des habitats larvaires.

Sur les 18 espèces définies comme prioritaires dans le Plan national Odonates, 5 sont présentes en région : l’Agrion de Mercure, la Leucorrhine à large queue, la Leucorrhine à gros thorax, la Cordulie à corps fin, ainsi que l’Ophiogomphus Cecilia, découverte dans l’Aube en 2015. Les espèces les plus menacées sont situées sur les landes et les tourbières acidiphiles et ruisseaux des Ardennes, sur les marais tufeux du Plateau de Langres et de la région de Reims et sur quelques étangs de Champagne-Humide et d’Argonne.

Des espèces d’amphibiens en situation critique, d’autres présumées disparues en lien avec la régression des pelouses et la dégradation des milieux humides

Les amphibiens fréquentent des milieux aquatiques de nature variée (mares permanentes ou temporaires, ornières, fossés, bordures marécagères d’étangs …). Ces derniers constituent les habitats privilégiés du Triton crêté et du Sonneur à ventre jaune, dont une part importante des effectifs nationaux est localisée en région (source : ORGFH). On les retrouve également dans les milieux ouverts, secs, dépourvus de végétation, prairies et lisières de forêt. Les savarts constituent ainsi de véritables sanctuaires pour ces espèces, plus particulièrement pour le Crapaud calamite et le Pélodyte ponctué, menacés de disparition en région, et vulnérable à l’échelle nationale. Deux espèces (le Pélobate brun et le Crapaud vert) sont déjà présumées disparues.

Espèces présumées disparues
Deux espèces sont présumées disparues, le Pélobate brun et le Crapaud vert. Les dernières mentions du Crapaud vert datent de 1924 et les observations les plus récentes de Pélobate brun proviennent du département des Ardennes dans les années 1979-1980. En 1948, ces espèces sont encore considérées comme commune dans ce département mais ont visiblement décliné suite à la dégradation de ses habitats.

Des reptiles présents dans les pelouses et particulièrement vulnérables

Présents dans les zones les plus méridionales de la région, les reptiles vivent dans les milieux ouverts, les lisières forestières, le long des haies, des fourrés ou clôtures de parcs. Les pelouses sèches de Champagne crayeuse et du Tardenois sont les plus patrimoniales. Elles abritent notamment le Lézard des souches et la Coronelle, inscrits sur la liste rouge régionale. De manière générale, les effectifs de reptiles ont fortement régressé depuis une vingtaine d’années en Champagne-Ardenne. Outre la disparition et l’altération de l’habitat (embroussaillement, remembrement agricole, et isolement des derniers sites favorables), les reptiles sont confrontés à certaines pratiques qui leur sont préjudiciables : girobroyage des jachères, diminution des espèces proies suite à l’utilisation de pesticides, et destruction directe par méconnaissance et crainte.

La Vipère péliade, inscrite sur la liste rouge nationale, est une des rares espèces inféodée aux milieux humides. Sa conservation passe par le maintien des derniers marais tourbeux du Plateau Ardennais, des crêtes préardennaises et de l’ouest marnais.

Une flore spécifique et patrimoniale, malgré une tendance générale à la simplification des formations végétales

La flore des massifs forestiers – de la strate arborée à la strate herbacée - est particulièrement riche et diversifiée en raison de la variété des conditions de sols, d’expositions ou de climats. La strate arborée est constituée de différents peuplements (acidophiles, calcicoles, thermophiles, subatlantiques …) de Chênes pédonculé et sessile, de Hêtre, et dans une moindre mesure de Charmes et Erables, dont certains matures et sénescents sont particulièrement patrimoniaux. Trois peuplements font partie des réseaux nationaux de conservation in situ des ressources génétiques pour le hêtre et le chêne sessile. Les forêts claires et sèches sont également constituées d’Alisiers et Tilleul à grandes feuilles, et les forêts fraîches à humides de Frêne, Merisier, Tilleul à petites feuilles et Bouleau. Les Aulnes glutineux et les Ormes (dont l’Orme lisse inscrit sur la liste rouge régionale) dominent les forêts marécageuses.

Des espèces herbacées patrimoniales, comme l’Anémone Hépatique, le Pivoine mâle, le Limodore à feuilles avortées, le Géranium sanguin et le Sabot de vénus se développent dans les sous-bois lumineux, lisières et clairières ; d’autres comme la Campanule cervicaire (inscrite sur la liste rouge nationale), l’Aconit tue-loup et la Nivéole printanière dans les fonds de vallon et combes. On trouve des espèces rares de pyroles (inscrites sur la liste rouge régionale), ainsi qu’une grande variété de mousses dans les boisements de pins et d’epiceas.

Autrefois d’une grande diversité et richesse écologique, la flore patrimoniale des milieux humides et aquatiques, y compris dans les milieux intraforestiers (Flûteau fausse-renoncule, Laîches, Fougère des marais, Prêles, Benoîte des ruisseaux, Cassis inscrites sur la LRR) et messicole (Adonis, Nielle des blés, Gaillet inscrites sur la liste rouge régionale) s’est largement simplifiée au profit d’espèces plus communes, de nombreuses espèces patrimoniales ayant quasiment disparu.

D’autres espèces rares et inscrites sur la liste rouge régionale, en raison notamment de la surface restreinte de leurs habitats, sont également présentes en région : orchidées et orobanches (Orchis grenouille, incarnat, négligé …) dans les pelouses, landes et prairies de fauche, espèces pionnières des éboulis rocheux (Sisymbre couché, LRR) ou d’altitude (Lycopode sélagine, LRR).

La politique nationale de conservation des ressources génétiques forestières :
Le ministère de l’agriculture et de la pêche a mis en place dès 1991 une Commission des ressources génétiques forestières, qui travaille sur la diversité génétique des principales espèces de la forêt française (chêne sessile, hêtre, sapin pectiné, épicéa commun, pin sylvestre, pin maritime …) ou sur des espèces disséminées, rares ou en disparition (pin de Salzmann, peuplier noir, orme, noyer royal …). Il s’agit de caractériser la diversité génétique et les capacités d’adaptation aux stress thermiques et hydriques des différentes espèces, tout en définissant une politique de conservation des écotypes les plus remarquables.
Orobanches :
Les Orobanches sont un genre de plantes herbacées adaptées aux milieux sableux de la famille des Orobanchacées comprenant environ 150 espèces originaires des régions tempérées de l’hémisphère nord. Ces plantes, sans chlorophylle, dépendent entièrement de plantes-hôtes pour les éléments nutritifs dont elles ont besoin.

Pour aller plus loin :

Notes et références

1Source : suivi temporel des oiseaux communs en Champagne-Ardenne - 2001-2011 - Bilan du programme, tendances et statut des espèces, indicateurs, LPO Champagne-Ardenne
Déclinaison régionale des indicateurs issus du Suivi temporel des oiseaux communs (STOC) - rapport d’analyse, MNHN, novembre 2015

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