Sites et paysages

12. Paysages et sites emblématiques

Le paysage est le fruit de l’interaction entre un milieu naturel original (géologie, climat, hydrographie…) et une communauté humaine singulière, dont les coutumes, les technologies, l’économie et les besoins évoluent au cours des siècles, forgeant ainsi au fil des générations un environnement (et un paysage) particulier.

Les sociétés rurales préindustrielles ont tiré diversement profit des richesses de leur milieu, de la topographie et de l’exposition des terroirs, des ressources du sous-sol… Différents systèmes de mise en valeur des milieux naturels ont émergé, et abouti à la création de paysages ruraux, synthèse d’un équilibre entre régions naturelles et société humaine. Les évolutions paysagères récentes, qui se sont affirmées dans les années 60, résultent de comportements plus individualisés. Elles résultent également d’une faible dépendance économique par rapport au lieu de résidence et d’une plus grande dépendance aux espaces économiques extérieurs, avec pour corollaire une mobilité journalière forte. Les technologies et matériaux utilisés, élaborés dans le cadre d’un système de production national ou international, favorisent la construction de paysages standardisés. De plus, le développement des grandes infrastructures, les modes d’urbanisation exercent des pressions croissantes sur les paysages.

Depuis quelques années, une conscience accrue de la notion de qualité du cadre de vie s’est développée. Le paysage devient un bien commun (Loi Paysages 1993), sa préservation permet également le maintien de la biodiversité, et possède désormais une valeur indéniable pour l’économie touristique. Le paysage est un élément transversal qui doit être pris en compte à toutes les échelles territoriales (communes, groupements de communes, pays, ScoT, départements, régions).
Le territoire lorrain présente de nombreux enjeux pour la préservation du paysage, liés au développement économique ou à l’urbanisation : les modes de production agricole, l’exploitation des gravières et leur réaménagement, les zones industrielles (friches et autres), les zones commerciales, les lotissements et autres extensions urbaines, l’éolien et maintenant le photovoltaïque, les entrées de ville et la publicité (sillon mosellan notamment), les pollutions lumineuses (agglomération nancéienne, sillon et Est mosellan notamment).

 

13. Les paysages urbains marqués par l’industrie

Les centres anciens des villes lorraines présentent un patrimoine architectural et historique souvent remarquable : les monuments religieux, les bâtiments militaires y sont particulièrement présents. La place Stanislas et ses abords, la « ville neuve » de Longwy sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, tandis que Metz a déposé la candidature du « Quartier impérial ».
Les zones périphériques, et plus particulièrement dans le sillon lorrain (voir thème V : 3. ) connaissent des altérations du paysage, marquées par la périurbanisation, le développement des zones d’activités, la multiplicité des réseaux de transport.
Dans le nord de la région, le développement de l’exploitation minière a engendré la formation de « conglomérats urbains » mêlant usines, cités ouvrières, villages et villes anciennes. Ces agglomérations se sont constituées depuis plus d’un siècle autour des exploitations, dont le concessionnaire assurait de multiples services, en particulier le transport quotidien entre le logement et le lieu de travail, ou l’alimentation en eau ou en combustible pour le chauffage. La disparition de l’exploitant et du système de prise en charge qui l’accompagnait a fortement déstructuré ces agglomérations. Le redéploiement industriel lorrain s’est plutôt effectué dans de nouvelles grandes zones (mégapoles), laissant un stock important de friches industrielles (voir thème IV).

La multiplicité des problèmes posés a conduit les pouvoirs publics à mettre en place une Directive Territoriale d’Aménagement (DTA des bassins miniers nord-lorrains), signée en 2005. Ce document de programmation constitue une vision globale de long terme de la politique d’aménagement du territoire permettant de croiser les enjeux d’urbanisation, d’environnement, de sécurité publique (problème des affaissements miniers), de cohésion sociale, de développement économique. Il fixe les grandes orientations de l’État dans ces domaines. Ainsi, un axe important concerne la reconquête d’une qualité paysagère, impliquant la renaturation de certains secteurs et l’établissement d’un réseau d’espaces naturels et paysagers.
En milieu péri-urbain, les paysages naturels répondent à une demande sociale croissante en terme de cadre de vie.
Ces espaces sont indispensables. Ils évitent la création d’une urbanisation continue le long des axes de transports, tout en ayant un rôle écologique important (corridors biologiques, expansion de crues). Ils nécessitent une attention particulière en terme de protection, pour résister à la pression de l’urbanisation.

14. Des paysages ruraux

L’évolution des paysages ruraux est fortement tributaire de l’activité agricole et de l’évolution de ses modes de production (voir thème VIII). Le développement de l’élevage bovin et laitier durant le XXe siècle s’est accompagné d’une extension importante des prairies, avec plus de 600 000 ha dans les années soixante-dix. Le pâturage a permis la création de biotopes originaux (pelouses calcaires notamment) et l’ouverture de certains paysages. Le paysage typique de prairies enserrées de haies et délimitées par les cours d’eau et leur ripisylve, légèrement vallonné, est désormais ancré dans nos mémoires. Les évolutions de l’agriculture dans les trente dernières années vers une plus grande intensification de la production remettent en cause ce paysage typique.

Fort développement des grandes cultures au détriment des prairies, suppression des haies, dégradation de la ripisylve, abandon du pâturage et fermeture de certains paysages en montagne sont les principales manifestations de la banalisation des paysages. Les terres les plus productives deviennent d’immenses zones de grandes cultures, les terres moins productives ou difficiles d’accès demeurent des prairies ou vont vers l’enfrichement voire le boisement. Les politiques mises en place (protection et gestion des espaces naturels, Natura 2000, mesures agrienvironnementales …) peuvent permettre de réduire ou stopper cette banalisation.

En milieu rural, les phénomènes d’extension de villages par des lotissements peuvent conduire à la perte de la structure traditionnelle du bâti et de l’aspect de « village rue », caractéristiques de nombreuses zones rurales lorraine. Ils contribuent ainsi également à la banalisation des paysages. La création d’infrastructures routières ou ferroviaires représente toujours un bouleversement paysager. Néanmoins, le maintien de la qualité paysagère est une préoccupation désormais présente dans la conception et la réalisation de ce type de projets, depuis les choix de tracés jusqu’à l’insertion paysagère des voies et des équipements connexes, à l’image des efforts réalisés dans ce sens dans le cadre de l’aménagement de la Ligne Grande Vitesse Est.

Les réseaux aériens sont également des éléments qui nuisent à la qualité paysagère. Les lignes électriques très haute tension forment un réseau important, du fait notamment de la présence de l’installation nucléaire de Cattenom. En plus des pylônes électriques et des antennes relais téléphoniques, l’apparition en 2003 de quelques éoliennes, puis de champs d’éoliennes a rapidement représenté une réelle menace en termes de qualité paysagère. Cet enjeu est particulièrement fort dans les zones présentant des paysages naturels remarquables. Des atlas départementaux pour l’éolien ont été réalisés, afin de présenter des préconisations pour l’implantation des éoliennes et le respect des paysages.

15. Les protections réglementaires de paysages

La loi du 2 mai 1930, désormais codifiée (articles L.341-1 à 342-22 du code de l’environnement), prévoit que les monuments naturels ou les sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque présentant un intérêt général peuvent être protégés. Elle énonce deux niveaux de protection : l’inscription est la reconnaissance de l’intérêt d’un site dont l’évolution demande une vigilance toute particulière. C’est un premier niveau de protection pouvant conduire à un classement ; le classement est une protection très forte destinée à conserver les sites d’une valeur patrimoniale exceptionnelle ou remarquable. En Lorraine, 130 sites sont concernés (75 sites classés et 55 sites inscrits), représentant 45 000 ha. Ils se distinguent par une grande diversité : sites urbains (Bar-le-Duc, Nancy, les thermes à Metz), grands paysages (Lac de Longemer, Ballon d’Alsace, Mont-Saint-Quentin, montagne de Sion-Vaudémont), sites historiques (sommets du Hackenberg à Veckring, champ de bataille de Verdun), parcs (château de Manom, de Gerbéviller). En termes de mesures de protection réglementaire, la région compte également 13 zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) et 4 secteurs sauvegardés, 1 620 monuments historiques classés ou inscrits. Les documents d’urbanisme (SCot et PLU en particulier) doivent tenir compte de ces protections. Ils peuvent également participer à la protection des paysages, via des zonages interdisant l’urbanisation sur des secteurs naturels ou paysagers remarquables notamment, ou des règlements et prescriptions visant à protéger certaines spécificités paysagères locales.

Sites classés et inscrits

Les parcs naturels régionaux, au nombre de trois en Lorraine ( Lorraine, Vosges du Nord, Ballons des Vosges) ont également une action importante dans la prise en compte du paysage : sensibilisation, études paysagères, observatoires photographiques, voire charte paysagère sur leur territoire.

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