Des pratiques agricoles en évolution mais une situation nécessitant une évolution plus profonde

Si dans la plupart des régions françaises, les pollutions diffuses d’origine agricole sont difficiles à enrayer, ce constat est particulièrement prégnant en Champagne-Ardenne. En effet, l’agriculture y est un pan majeur de l’économie (10 % de la valeur ajoutée régionale soit quatre fois plus qu’en moyenne nationale hors Île-de-France 1 ). Les modèles de production dominants (grandes cultures végétales telles que betteraves, pommes de terre, céréales aux rendements au moins égaux et le plus souvent supérieurs à la moyenne nationale) ou à forte valeur ajoutée (viticulture), développés le plus souvent sur les sols sur craie, sont particulièrement dépendants des intrants du fait de la pauvreté naturelle de ces derniers.

En conséquence, le recours aux intrants reste encore particulièrement élevé en Champagne-Ardenne. D’après l’enquête sur les pratiques culturales des agriculteurs en grandes cultures et prairies de 2011, les apports azotés minéraux pour la betterave sont de 130 kg/ha (123 à l’échelle de la France), pour le blé tendre 194 kg/ha (162 pour la France), 141 kg/ha pour l’orge (132 pour la France). La fertilisation azotée des cultures est fortement encadrée par le programme d’action régional imposé par la directive nitrate (80 % de la Champagne-Ardenne en zone vulnérable). Aussi les quantités utilisées se stabilisent (céréales 2 ), voire diminuent comme par exemple sur la culture de la betterave. Avec une volonté de protéger les ressources en eau, la profession viticole agit pour une diminution de l’utilisation des pesticides.


L’utilisation des intrants en Champagne-Ardenne, suivant l’enquête sur les pratiques culturales 2011.
L’enquête sur les pratiques culturales des agriculteurs en grandes cultures et prairies de 2011 est la cinquième enquête réalisée depuis 1986 à l’échelle de la France métropolitaine. Elle constitue un outil majeur de description des pratiques des exploitants agricoles. Les résultats sont utilisés en particulier pour éclairer l’impact des pratiques agricoles sur l’environnement.

Des initiatives locales sont également mises en œuvre pour le développement de pratiques plus vertueuses : référentiel « viticulture durable » de la filière Champagne reconnu en 2015 comme certification environnementale par le Ministère de l’agriculture (2 000 ha certifiés soit 6 % des surfaces viticoles), exploitations certifiées à Haute valeur environnementale (3 exploitations viticoles dans la Marne certifiées en 2012 parmi les premières ayant pu obtenir cette certification en France)…
La filière biologique connaît un développement encore modeste (1,3 % de la SAU en bio dont 1,4 % de la surface de vigne, soit une des dernières régions de France) avec des difficultés structurelles liées à l’orientation dominante vers les grandes filières agro-industrielles plus difficilement convertibles en bio, un a priori encore assez fort de la profession (y compris chez les jeunes), un manque de filières ou d’une structuration des filières existantes de production et de transformation.

L’amélioration de la durabilité des systèmes de production constitue un des axes structurants du plan régional d’agriculture durable (PRAD). Il vise à développer des modèles de production suivant les principes de l’agro-écologie, en déclinaison du Projet national de 2012. La Ferme expérimentale BA 112 s’inscrit dans ce cadre, pour une expérimentation grandeur nature de méthodes de production innovantes répondant aux enjeux écologiques et économiques de la Champagne-Ardenne, de même que les 2 Groupements d’intérêt économiques et environnementales (57 exploitations en Marne et Haute-Marne) reconnus en 2015 par le Ministère de l’Agriculture. A horizon 2020, la Champagne-Ardenne s’est fixée l’objectif dans le cadre de son Programme de développement rural (PDR) de couvrir 14 % de la SAU soit par des mesures agro-environnementales (11 % de la SAU sur des mesures pour la protection de la ressource) soit par des mesures de soutien à l’agriculture biologique (doublement des surfaces d’ici fin 2017 inscrit dans son Plan ambition bio, en déclinaison du plan national).


Groupements d’intérêt économique et environnemental
Le groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) a été mis en place dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014. C’est un collectif d’agriculteurs reconnus par l’État qui s’engagent dans un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs pratiques en visant à la fois des objectifs économiques, environnementaux et sociaux. Afin de favoriser le développement de ces dynamiques collectives et permettre d’engager le plus grand nombre d’agriculteurs dans cette transition, les résultats des GIEE sont partagés avec l’ensemble des acteurs du territoire. Les premiers GIEE ont vu le jour début 2015, notamment en Champagne-Ardenne Depuis, plus de 240 GIEE ont été reconnus.
Les 2 GIEE en Champagne-Ardenne sont :
  • Pour une agriculture porteuse d’avenir dans le Barrois (association APAB) – 21 agriculteurs de Haute-Marne ;
  • Transition d’un collectif vers l’agro-écologie et vers des systèmes agricoles économes en intrants (association du CIVAM de l’Oasis) – 36 agriculteurs de la Marne et de l’Aube.
Ferme expérimentale BA 112
La Ferme expérimentale, d’une superficie agricole de 200 ha, est localisée sur l’ancienne base aérienne 112 désaffectée, à proximité immédiate de Reims et de son université, et du pôle agro-industriel de Pomacle-Bezancourt et de ses laboratoires. L’objectif principal de cette plate-forme est d’expérimenter en grandeur réelle, avec l’implication des agriculteurs en place, de nouvelles méthodes de production dans le cadre d’une approche systémique, de nouvelles cultures pour répondre aux besoins de l’aval, en intégrant les dernières données de la recherche et des expérimentations factorielles. Ces systèmes de culture innovants, qui se construiront autour des principes de l’agro-écologie, viseront à répondre à 3 objectifs prioritaires pour l’agriculture régionale :
  • assurer la productivité économique des systèmes dans une moindre dépendance aux ressources fossiles ;
  • prendre en compte les valeurs de durabilité attendues par la société (concept de l’agro-écologie) ;
  • assurer la fourniture de la ressource en qualité et quantité aux industries existantes ou futures de l’aval en région (bio-raffinerie).

Pour aller plus loin

Notes et références

1L’agriculture en Champagne-Ardenne – CESR, 2010 p.23

2Une amélioration progressive des techniques de fertilisation des grandes productions végétales - AGRESTE Champagne-Ardenne n°3, juillet 2013.

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